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Discussion avec Christophe Daziron

Le management en cabinet d'avocat : point de vue

4 minutes de lecture | Christophe Daziron est le co-fondateur de LCCL-Prévention active. Depuis 2006, il intervient pour prévenir les risques psychosociaux et accompagner les changements managériaux.
Parmi ses clients - collectivités, ONG, entreprises - figurent plusieurs cabinets d’avocats.
Pour Upward Legal, Christophe revient sur les grands défis managériaux qui attendent les cabinets dans les années à venir.
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Conduite du changement, coaching, gestion de crise… vous avez accompagné les cabinets d’avocats sur de nombreux dossiers. Diriez-vous qu’il existe des spécificités inhérentes à cette profession ?

C’est certain. J’ai eu l’occasion d’intervenir pour différents profils et projets et cela m’a permis de déceler des traits saillants du métier. Et pour être honnête, j’en suis encore à me demander si c’est le profil d’avocat qui crée cette atmosphère du métier si singulière ou si c’est le métier qui construit des profils particuliers. 

Comme tout métier impliquant des études longues, le métier d’avocat est un métier de sachant. Ce sont des personnes qui ont des connaissances opaques pour le commun des mortels et qui de ce fait, exercent un pouvoir inévitable sur leurs clients. On « s’en remet » à son avocat ; les clients sont amenés à partager des informations qu’ils pourraient parfois ne confier à personne d’autre ; cela construit finalement un contrat de confiance exclusif et un peu contraint dans un sens. 

Ajoutez à cela que le métier d’avocat est une profession libérale, extrêmement concurrentielle. Du fait de l’aspect factuel du métier, qui relève de l’application de lois rédigées à la virgule près, nous pourrions croire que le succès de l’avocat dépend de ses connaissances. Ce n’est pas entièrement vrai. La réussite d’un avocat dépend de l’image de lui-même qu’il est capable de renvoyer ; de la mise en avant de ses compétences et de sa personnalité. Il s’agit donc d’entretenir une image du meilleur et une intolérance à l’erreur pour faire exister son entreprise personnelle. Il est donc exposé à un niveau de pression rare par comparaison à d’autres types de dirigeants. 

Management avocats

La réussite d’un avocat dépend de l’image de lui-même qu’il est capable de renvoyer.

Christophe Daziron

Co-fondateur de LCCL-Prévention active

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Est-ce que cette « intolérance à l’erreur », peut avoir des répercussions sur le management des Hommes et sur la capacité des avocats à déléguer ?

Clairement. Et cela tient principalement aux spécificités que nous venons d’évoquer. L’avocat fait son business souvent seul. « Je ne peux compter que sur moi-même » est un mantra qu’on entend souvent. 

Les clients sont dans une logique de résultats maximale et l’aspect « je perds / je gagne » peut parfois occulter des questions centrales : « Est-ce que j’ai fait du bon travail ? », « Est-ce que j’ai fait progresser mes collaborateurs et mon cabinet ? »

On se met beaucoup de pression, car on se doit d’être irréprochable pour le client. Le problème, c’est que des biais comportementaux fleurissent de tout cela et parmi eux, l’intolérance à l’erreur, qui n’est pas vraiment réputée pour être un outil managérial efficace. 

Beaucoup d’avocats sont tentés, par peur de ne pas avoir de résultats optimaux et ainsi d’entacher une image si finement perfectionnée, de prendre à leur charge la presque totalité des tâches qui pourraient être déléguées à des collaborateurs.

« Je vais le faire moi-même… », « Moi, je n’aurais jamais fait une telle erreur. Je ne peux pas admettre qu’un autre la commette. » sont des injonctions qui reviennent souvent. En un sens, les avocats ont raison, cette attitude est généralement payante pour eux… Mais appliquée au management, je peux vous assurer que cette logique de tolérance zéro leur coûte désormais plus qu’elle ne leur rapporte. Ne pas déléguer c’est peut-être se protéger, mais c’est aussi ne pas assurer la montée en compétences de son managé sur le long terme. L’injonction est difficile à tenir lorsque l’exigence de résultats sur le court terme est maximale.

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Comment intervenez-vous auprès des avocats pour traiter ces situations récurrentes ?

L’avocat n’a pas conscience de la problématique qui tourne autour du management, autour du fait de ne compter que sur soi-même, mais il a conscience d’une problématique de surcharge réelle de travail. Interrogez n’importe quel avocat d’un grand cabinet d’affaires : il est parfaitement normal de travailler de 8h du matin jusqu’à 2h du matin le lendemain, lorsqu’on a un « gros » dossier. Mais vous ne pouvez pas reproduire cet exploit indéfiniment ! Peu à peu si on n’arrive pas à s’appuyer sur une équipe solide, l’associé voit sa situation personnelle s’altérer : l’irritabilité, la fatigue, les premières erreurs, etc. C’est à ce niveau-là que je peux intervenir. 

Comprendre l’intérêt apporté par un bon management, de la délégation, de la confiance est essentiel à la réussite professionnelle. A un moment donné, lorsque cela est mis en place, mes clients voient clairement qu’ils gagnent en performance. En management, il faut apprendre à miser sur le long terme. Mais pour cela, il faut aussi accepter d’apprendre et de désapprendre. 

On peut avoir une supervision au long cours, lorsque les problématiques se multiplient, mais en général, avec en moyenne 6 à 12 entretiens de coaching, on peut déjà améliorer beaucoup de choses ! 

Christophe Darizon Associé directeur LCCL

Comprendre l'intérêt apporté par un bon management, de la délégation, de la confiance est essentiel à la réussite professionnelle.

Christophe Daziron

Co-fondateur de LCCL-Prévention active

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